Nous avons rencontré Maxime Arcari (Utopix) et Thierry Dosogne (Business Angel au sein de BeAngels). L’un n’a pas trente ans, l’autre a une belle carrière derrière lui. L’un a lancé sa start-up il y a quelques années, l’autre a déjà accompagné 9 start-ups en tant que Business Angel. Grâce à BeAngels, ils se sont rencontrés et depuis lors, ils ne se quittent plus. Entre Maxime Arcari (Utopix) et Thierry Dosogne, ça a cliqué dès les premiers instants grâce à une relation basée sur la confiance, l’écoute et la passion d’entreprendre. Analyse de ce succès avec les intéressés.
Utopix, c'est quoi ?
Maxime : Utopix est un site internet qui permet de mettre en relation des entreprises ayant besoin de contenu visuel avec des photographes et des vidéastes. Jusqu’il y a peu, un chargé de clientèle mettait en relation le client et le prestataire. Aujourd’hui, le client est directement mis en contact avec le photographe/vidéaste.
Comment s'est passée votre rencontre ?
Thierry : Cela s’est passé lors d’un comité de sélection de BeAngels en avril 2017. L’équipe d’Utopix, Maxime et Sophie, m’ont fait une forte impression lors de leur premier pitch. Après la séance du comité, je leur ai immédiatement demandé si on pouvait faire plus ample connaissance.
Qu'est-ce qui vous a suffisamment séduit chez Utopix pour y investir de l'argent, du temps et prendre un risque ?
Thierry : L’équipe, Maxime et Sophie, faisait preuve d’une grande volonté, de beaucoup d’enthousiasme mais également d’une capacité d’écoute qu’on ne rencontre pas tous les jours. Dans un projet de start-up, la qualité de l’équipe est un facteur de succès essentiel. Un projet moyen avec une excellente équipe aura toujours plus de chances de réussir qu’un excellent projet avec une équipe moyenne.
« Un projet moyen avec une excellente équipe aura toujours plus de chances de réussir qu’un excellent projet avec une équipe moyenne. »Thierry Dosogne
Qu'est-ce qui vous a plu chez Thierry Dosogne ?
Maxime : Son engagement à toute épreuve. Thierry est un passionné d’entrepreneuriat. Il a conscience qu’en investissant, il peut perdre beaucoup d’argent. Cela donne toute l’importance à l’aventure humaine dans laquelle il s’engage à nos côtés. Il partage donc avec nous pleinement les bons comme les mauvais moments.
Qui a choisi qui ?
Tous les deux : C’était dans les deux sens.
Maxime : On peut penser que les start-ups sont en position de « faiblesse » par rapport à leurs investisseurs potentiels, qu’ils devraient séduire à tout prix. On ne voit pas les choses comme ça. Pour nous, c’est important de choisir les bons partenaires. S’associer avec des business angels, c’est un mariage. Il faut donc se marier avec une personne avec qui on va s’entendre. On a d’ailleurs été très clair d’emblée : pas la peine de nous appeler tous les jours. Si vous investissez en nous, il faut nous faire confiance.
Exergue : « Utopix : Si vous investissez en nous, il faut nous faire confiance »
En effet, on tombe parfois sur des investisseurs obnubilés par les chiffres. Or, dans les start-ups, les rentrées fluctuent, on perd de l’argent à certains moments, on en gagne à d’autres. Thierry a été CEO d’une grande entreprise. Il comprend ça. C’est très rare chez un investisseur.
Thierry : J’adore être impliqué. J’adore comprendre, donner des conseils mais je ne m’implique pas dans l’opérationnel. En comité stratégique, on analyse les orientations. On brainstorme mais une fois les décisions prises, je fais confiance à l’équipe.
Donnez un exemple dans lequel la relation de confiance a particulièrement été déterminante.
Maxime : Pour soutenir notre croissance et grandir à l’étranger, je souhaitais initier rapidement une deuxième levée de fonds. Thierry m’a invité à attendre le point d’équilibre avant de la lancer. Ce n’était pas ce que je voulais mais je lui ai fait confiance. Une fois le break even atteint, on a levé plus de 700.000 euros…
Racontez-nous un coup dur que votre Business Angel vous a permis de traverser.
Maxime : A un moment donné, nous avons connu une rupture de confiance avec un des fondateurs d’Utopix. Ce n’était vraiment pas une situation chouette à vivre . On n’était pas préparé à ce genre de situation. Il n’ya pas d’école pour devenir entrepreneur (rires). Dans ce genre de cas, les Business Angels sont parfois des anges sur notre épaule qui peuvent nous accompagner dans la prise de décisions difficiles. Thierry nous a aidé à prendre du recul, à analyser la situation et nous a fait confiance. Une fois que nous étions convaincus que la rupture était inévitable, il nous a aidé à mesurer toutes les implications qu’une séparation pouvait avoir et à communiquer la décision à l’intéressé.
Quelles sont les qualités d’Utopix en tant que Start-up ?
Thierry : J’en vois deux essentielles. Premièrement, une équipe fantastique. Ils travaillent d’arrache-pied, ils sont intelligents, enthousiastes et ils comprennent très bien leur produit. Et deuxièmement, la flexibilité. Ils sont capables de revoir leurs positions en fonction des résultats qui sont atteints. C’est un énorme avantage. Quand il y a un souci, ils sont les premiers à le voir, les premiers à soumettre des alternatives, c’est extraordinaire.
Maxime : lors de notre dernier Conseil d’administration, nous avions listé les 5 aspects sur lesquels nous avions échoué en 2019 et la manière dont nous allions régler le problème. J’ajouterais que notre qualité, au niveau de notre produit, est d’apporter une solution de flexibilité aux entreprises. On n’a jamais eu autant besoin de contenus photos et vidéos qu’aujourd’hui.
Êtes-vous un Business Angel très présent ?
Thierry : je suis un Business Angel actif mais pas opérationnel. Je suis disponible quand on a besoin de moi, pour des questions et des conseils, mais je laisse la gestion opérationnelle à l’équipe.
Décrivez votre relation, qui appelle qui ?
Maxime : C’est Thierry qui appelle le plus souvent. C’est un hyperactif du téléphone. S’il appelle, c’est pour faire avancer les choses rapidement. Mais cela va dans les deux sens. Je l’appelle quand j’ai besoin de conseils sur la stratégie commerciale ou sur des partenariats potentiels.
Thierry : J’avoue être un tantinet impatient… J’aime faire le suivi des actions planifiées en comité de pilotage. Un bon exemple, c’est le changement du siège social d’Utopix. Une fois la décision prise, j’ai suivi le dossier pour faire avancer les choses. « Tu me confirmes que c’est fait, Maxime? » (rires)
Maxime : « Oui oui, c’est fait! » (rires)
En début de relation, quel est le rôle du Business Angel ?
Thierry : Mes premiers apports ont été d’aider Maxime à mettre son projet en place, d’apporter quelques idées complémentaires sur la stratégie mais surtout, d’aider à fixer les priorités : qu’est-ce que l’on fait tout de suite, qu’est-ce que l’on fait plus tard. J’ai également suggéré de mettre en place un système de reporting : pour l’entreprise elle-même (marge, trésorerie, chiffre d’affaires…) et pour les investisseurs. Ensuite, j’ai abordé la question de l’expansion à l’international, un axe qui me passionne.
En phase de croissance et d’expansion (Scale-up), quel est le rôle d'un Business Angel ?
Thierry : j’estime que mon rôle est à la fois de pousser à l’expansion mais également de freiner quand j’ai l’impression que cela va un peu trop vite. Un exemple : avant la deuxième levée de fonds, Maxime voulait aller plus vite dans le développement international. La mort dans l’âme, on l’a un tout petit peu freiné afin de démontrer qu’on était viable dans nos régions avant de s’étendre. Par contre, maintenant, j’estime qu’on est prêt et je pousse pour qu’on s’étende en France, aux Pays-Bas, voire en Allemagne…
Comment Utopix envisage-t-il sa croissance à l’étranger ?
Maxime : notre objectif pour 2020 est de nouer des alliances et des accords-cadres avantageux avec de grandes agences de communication afin de devenir leur fournisseur privilégié dans le monde entier. Cela passe par notre présence à de nombreux salons dédiés au marketing. Cela nous permet de rencontrer directement les personnes qui prennent les décisions à ce sujet. On utilise également beaucoup de techniques d’automatisation de lead generation et de growth hacking pour toucher rapidement les bons prospects. Mais c’est également beaucoup d’emails et de coups de téléphone (rires).
Quels défis classiques des start-ups Utopix rencontre-t-il ?
Thierry : j’en vois deux mais ils sont liés. Le premier : conserver en permanence suffisamment de cash disponible pour pouvoir avancer. Le deuxième : atteindre le plus rapidement possible le break even. On y était arrivé dans une première phase. Pour grandir et développer notre plateforme, on a investi en étoffant l’équipe. Cela coûte plus cher et cela crée le nouveau défi d’atteindre rapidement la deuxième phase de break even. Une fois ce défi atteint, la vie est belle (rires).
Entre ses capitaux, son expérience et son réseau, classez par ordre d'importance ce que vous apporte votre Business Angel
Maxime :
- Son expérience
- Son réseau, Thierry nous ouvre beaucoup de portes et ce, très rapidement.
- Ses capitaux, que je mets volontairement en dernier car, aujourd’hui, il y a beaucoup de gens qui cherchent à investir (à cause des incitants type « tax shelter » ou la faiblesse des taux d’intérêts) et tous n’ont pas les qualités mentionnées plus haut.
Complétez cette phrase, sans votre Business Angel , les choses seraient plus...
Maxime : … difficiles. Aussi simple que ça. Sans lui, on n’aurait pas été aussi vite sur les levées de fonds notamment.
Certains disent que d'avoir des Business Angel , c'est gagner en capital mais perdre en autonomie, c'est vrai ?
Maxime : Ça dépend qui tu choisis… Tu perds d’une certaine manière en autonomie parce que tes décisions vont être partagées. Personnellement, je n’ai pas l’impression d’être contraint en quelque manière que ce soit ou de subir des obligations. En choisissant bien ses investisseurs, tu évites de tomber sur des personnes qui vont être trop contrôlantes et tu peux entrer dans une relation de confiance. Cela dit, il y a un contrat d’actionnaire qui met des balises nécessaires à la relation. Je ne peux pas, par exemple, m’octroyer un salaire de 30.000 euros sans consulter mes investisseurs (rires).
Quels sont les défis que vous pouvez aider Utopix à surmonter ?
Thierry : Bien savoir où l’on va. J’essaie d’apporter une expérience, notamment sur la lecture et la gestion des KPI’s. Cela permet de guider les discussions et de définir les priorités. Cela permet d’avoir une vision claire sur la gestion de la trésorerie et de vivre en fonction de ses moyens.
Quel est le conseil que vous donnez le plus à Utopix ?
Thierry : Pense au commercial et aux clients. Finalement, c’est la seule chose qui compte : l’argent qui rentre grâce au client.
Quel est le meilleur conseil que votre Business Angel vous ait donné ?
Maxime : Ralentir… (rires) Alors que c’est quelqu’un d’impatient, il me dit régulièrement de sortir de l’émotionnel, de ralentir sur certains aspects et d’accélérer sur d’autres. L’avantage d’être actif mais non-interventionniste, c’est de ne pas être le nez sur le guidon et de me montrer quelque chose que je n’avais pas vu.
Thierry : Cependant, sur certains aspects, comme le développement sur la Flandre par exemple, je trouve que l’on ne va pas assez vite. On peut donc ralentir sur certains aspects et avancer plus vite sur d’autres.
Quelle est la question qu'Utopix vous pose le plus ?
Maxime : Je ne sais pas. On a tellement de discussions (rires). Thierry, tu sais toi ?
Thierry : Des questions liées au business : contrat cadres, systèmes de bonus, incentives pour les commerciaux, choix de partenaires, subsides…
Est-ce que Utopix vous a appris quelque chose ? Si oui, quoi ?
Thierry : J’en suis à ma 9e collaboration avec une start-up et celle-ci est la plus belle. Et elle me conforte dans la conviction que c’est l’aspect humain qui fait la qualité d’une start-up et d’une collaboration avec son Business Angel .
En dehors de l’aspect strictement humain, j’adore apprendre de nouvelles choses. Accompagner Utopix m’a donc permis de m’intéresser aux plateformes digitales. La technique n’est pas ma nécessairement ma tasse de thé mais ça me permet de voir comment le business évolue.
En cas de coup dur, que peut vous apporter votre Business Angel ?
Maxime : Je reviens encore à l’importance de choisir de bons partenaires et de bons investisseurs. Car, lorsqu’il y a un problème, on est tous dans le même bateau. On se met autour de la table, on réfléchit ensemble sans s’entre-tuer. On est là ensemble pour sortir du problème, en équipe.
Thierry : Juste avant la deuxième levée de fonds, Maxime a été inquiet pour la trésorerie. Heureusement, j’avais pu anticiper cette situation et j’avais négocié une ligne de crédit avec un des partenaires bancaires que j’avais amené. En un coup de fil, l’argent a été libéré dès le lendemain.
Est-ce que vous avez déjà parlé d'exit (sortie de capital)?
Thierry : On en parle tout le temps. Un exit, ça se prépare. On sait que ça ne sera pas dans six mois mais on sait qu’il faut à la fois produire, délivrer et à la fois se rendre présentable.
Maxime : Thierry a été très clair dés le début. Il a annoncé vouloir nous accompagner sur plusieurs années mais sans rester au capital d’Utopix pendant 20 ans. Cela fait partie du jeu.
Avez-vous une anecdote qui représente bien votre collaboration ?
Thierry : Un jour, Sophie faisait le test des 16 personnalités, un test psychologique destiné à la gestion d’équipe. Elles nous en a parlé et Maxime et moi avons découvert que nous avions le même profil. Marrant, non ?