Nous avons eu le plaisir d'interviewer Yves Colinet, Managing Partner chez DataBoost'r du groupe Micropole. Il nous a rejoint il y a 6 ans en tant que passionné d'innovation.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ton parcours pro ?
J’ai eu trois grandes phases dans ma carrière. Dans un premier temps, j’ai occupé plusieurs fonctions commerciales et de vente dans le secteur de la tech. À la fin des années 90, je suis tombé dans le domaine de la data. J’ai eu la chance d’être le premier commercial d’une boîte qui est devenue leader en Belgique quelques années plus tard.
En 2004, j’ai quitté et réalisé que je n’avais plus envie d’être un employé d’une société. Après quelques missions de consultance, je lançais 4 ans plus tard ma société active dans l’accompagnement de projets AI et cloud. On a revendu la société à Micropole, dont je suis devenu Managing Director. J’entrais dans une phase plus entrepreneuriale de ma carrière.
En 2015, j’ai rejoint le réseau BeAngels en tant qu’investisseur et depuis mon intérêt envers l’innovation et les startups n’a cessé de grandir. L’opportunité de combiner cette passion et mon activité professionnelles’est concrétisée en 2021. Depuis l’année dernière, je suis Managing Partner de l’accélérateur Databoost’R du groupe Micropole à Paris.
Qu’est-ce qui te plaît dans l’investissement dans les start-ups ?
En tant que passionné d’innovation, j’adore voir comment une startup peut avoir une valeur ajoutée dans la société. Être business angel, c’est découvrir tout un monde d’opportunités...
Comment as tu eu connaissance de cette activité ?
J’avais déjà lu quelques articles sur les business angels, mais je ne m’étais jamais identifié à cette activité. Je n’imaginais pas à l’époque qu’avec mon argent je pouvais aider, apprendre, transmettre et échanger avec des entrepreneurs. Je ne percevais pas non plus les différences entre les investissements de type business angel ou fonds d’investissement, family offices... Je trouve que c’est une activité qui n’est pas assez comprise et sur laquelle on ne communique pas assez. On parle trop souvent du résultat obtenu par les start-ups ou du profil des business angels. Mais on ne parle pas assez du rôle que le business angel peut avoir dans l’entreprise.
Quels sont tes critères de sélection d’une startup ?
Je regarde si j’ai un atome crochu avec l’entrepreneur ou l’entrepreneure et son équipe de co-fondateurs. Je dois trouver la personne intéressante, mais aussi ce qu’elle propose. Si c’est un projet qui propose une solution en phase avec les enjeux actuels, cela m’intéresse d’autant plus ! En revanche, si je sens que le projet est perçu comme une opportunité tactique, je suis moins enclin à investir. Mais surtout, il faut que l’entrepreneur soit à la recherche d’aide et de compétences auprès du business angel. Sinon, je lui conseille de s’adresser à une banque.
Quel est ton rôle une fois que tu as investi dans une startup ?
Je participe à la mise en place de la machine de vente, de l'incentivation (ensemble des méthodes utilisées pour stimuler la motivation des cadres d'une entreprise) de la force commerciale. J’apporte également mon aide sur tous les aspects qui touchent au B2B, software, gestion de pipeline, anticipation des prochains cycles de vente, identification des commerciaux par rapport aux clients, lien entre marketing et vente opérationnelle… Ce sont tous des sujets dans lesquels j’ai pu faire mes armes pendant ma carrière et pour lesquels je peux apporter mon aide.
De quoi doit se soucier une startup qui souhaite grandir ?
Un des premiers gros challenges qu’une startup rencontre quand elle veut « scaler », c’est la traction de marché. Selon moi, une startup qui ne vend pas n’a aucune valeur. J’aurais même tendance à dire « vendez avant même de construire votre produit ! » (sourire). Sans vente, on ne reçoit pas de feedback client et on ne sait pas comment s’améliorer. Beaucoup de startups pensent que leur solution est une révolution et que les clients vont venir tout seuls. C’est faux ! J’essaye donc à ma petite échelle de sensibiliser au maximum les entrepreneurs à se soucier de l’axe marché/clients et de l’importance de co-créer leur produit avec eux.
Maintiens-tu le contact avec les start-ups dans lesquelles tu as investi ?
Je prévois régulièrement des rendez-vous en face à face pour comprendre l’évolution et faire le suivi. Lorsqu’on investit dans une startup, on est engagé pour quelques années d’aventure à leur côté ! Il faudra bien 3 ans pour affirmer le projet, et attendre 5 à 7 ans pour envisager une sortie. Lors des entrevues, on revoit ensemble les engagements sur les plans d’actions qui ont été fixés.
Dans quel état d’esprit faut-il être pour être business angel ?
Il faut être dans l’envie de partage. Un business angel doit être dans une démarche d’apprentissage personnel. Certes, il va partager son expérience avec l’entrepreneur, mais en échange il va apprendre énormément sur ce qui se passe dans le monde et ce vers quoi on va. Je dis toujours à une équipe de fondateurs que je peux partager beaucoup avec eux, mais que j’attends en retour qu’ils en fassent de même avec moi ! Je veux continuer à apprendre en permanence.
As-tu déjà siégé au Conseil d’Administration d’une startup ?
Seulement un pour le moment. Peut-être que j’aurais prochainement un ou deux sièges supplémentaires.
As-tu suivi des formations pour apprendre l’investissement dans les startups ?
J’ai suivi la formation BeAngels et j’ai participé à deux BAC (BeAngels Investors Club) pour commencer, et j’ai profité de la période COVID pour me certifier en gouvernance chez Guberna. Par ailleurs, je participe régulièrement à des formations en ligne des grandes universités américaines et anglaises.
Dans ce parcours de formation, la BeAngels academy a été une étape de formation mais aussi de création de réseau de compétences dans lequel nous échangeons de manière très régulière et informelle. C’est vraiment essentiel !
Quels points d’attention les entrepreneurs doivent-ils avoir à l’esprit en s’adressant à des business angels ?
Pour ma part, j’aime quand on me présente l’équipe, sa complémentarité et son adéquation avec le projet. Je dois également trouver l’idée intéressante, la comprendre et me l’imaginer. Si c’est le cas, j’aime connaître s’il y a des clients existants. Comme je l’ai dit précédemment, les clients sont la clé de tout car ils montrent que la boîte à de la valeur. Je ne regarde que très rarement la technologie qui est utilisée.
Un business angel c’est un conseiller ou un financier ?
C’est plus du conseil et de l’accompagnement. Il y a une dimension financière, mais ce n’est qu’un aspect. Le business angel doit avoir envie de donner une vision « smart » à la boîte. Pour cela, il doit savoir en quoi il est bon, connaître ses forces et se demander ce qu’il peut apporter au projet.
Quelles sont les qualités recherchées chez un business angel ?
Le business angel doit faire preuve de patience et bienveillance. Il doit considérer que tout le monde ne peut pas faire à la même vitesse. Il doit également faire bénéficier de ses compétences et souhaiter la réussite de l’entrepreneur, sans s’approprier le projet. En plus d’être passionné d’innovation et de l’envie de disrupter… Mais plus que tout,le business angel doit être capable de travailler en équipe. Il doit pouvoir s’intégrer dans les équipes de startups, comme avec les autres investisseurs du réseau.
Par exemple, nous sommes plusieurs investisseurs à avoir créé notre propre groupe d’investissement “à la carte” via la nouvelle formule “ICS - Investor Club as a Service” que propose depuis peu BeAngels. Dans ce groupe, nous sommes tous très différents et cela peut être source de dissensions. Mais si la patience et la bienveillance sont de mise, on peut avoir une meilleure compréhension d’un dossier quand on se penche tous dessus. On a chacun une compréhension différente, mais complémentaire. Le nombre de personnes dans le groupe peut par ailleurs faire peur aux entrepreneurs.
Cependant c’est une chance de bénéficier d’un nombre de compétences inouïes ! Pour vous dire, on a même réalisé un trombinoscope de chaque membre pour que les startups puissent interagir plus facilement avec les différents membres du groupe en fonction de leur demande.
Pourquoi es-tu devenu business angel ?
Au départ par curiosité. Quand j’ai commencé, j’étais un investisseur très passif (SIBA) puis je suis devenu de plus en plus actif en assistant aux soirées de pitch et en rejoignant deux groupes d’investissement (BAC). J’ai eu une envie grandissante de partager mon expérience et de faire gagner du temps aux startups. Ces entrepreneurs ont besoin d’une vitesse d’exécution pour adresser les marchés, car la concurrence n’est jamais très loin…
Fais-tu des liens entre ce que tu apprends via l’activité de business angel et ton travail ?
Totalement. En assistant au Forum et en investissant dans des startups il y a beaucoup de choses que l’on peut vite comprendre comme les grands enjeux de la société : guerre des talents, transition économie/écologie, et j’en passe ! Avec BeAngels on peut facilement rester au courant des grandes tendances et sur ce qui se passe. Je trouve par ailleurs qu’un réseau comme BeAngels devrait être recommandé auprès des gens qui ont des fonctions de stratégie et de planning. Ils doivent comprendre que ce n’est pas chez eux que ça se passe, mais chez les startups ! La NASA n’aurait jamais présagé qu’Elon Musk lancerait un jour des fusées. Et pourtant…il y a une vraie disruption du métier de l’entrepreneuriat. Cela peut venir de partout.