BeAngels met en avant tous les mois, un.e membre ayant rejoint le réseau BeAngels. Et pour ce mois d’octobre, honneur aux femmes ! Nous nous sommes entretenus avec Cécile Cordier, Head of Innovation chez Engie/Global Energy Management, membre de BeAngels. Elle nous a raconté comment elle a évolué au sein du groupe Engie ces 20 dernières années, en occupant diverses fonctions. Elle qui adore l’innovation et se lancer de nouveaux projets, c’est donc tout naturellement qu’elle s’est lancée dans l’activité de business angel il y a maintenant plus de deux ans.
Bonjour Cécile, peux-tu nous en dire plus sur ton parcours professionnel ?
J’ai un parcours que je pourrais qualifier d’assez classique. Après avoir suivi des études d’ingénieur civil à Louvain-la-Neuve en mathématiques appliquées dans le domaine de l’intelligence artificielle j’ai réalisé une thèse en sciences appliquées. A la fin de ma thèse, j’ai rejoint Electrabel. La société était alors en train de créer une équipe qui allait travailler sur la libéralisation du marché de l’énergie, ce qui était tout nouveau à l’époque. J’étais assez excitée à l’idée de rejoindre cette petite équipe de 5-6 personnes, où il fallait tout inventer. Cela contrastait avec la grosse structure d’Electrabel, nous étions même localisés dans une petite implantation en dehors du siège central.
J’ai rejoint Electrabel en 1999 et d’une certaine manière, j’y suis toujours. Je suis toujours chez le même employeur, mais j’ai eu de nombreux changements de fonctions : d’abord je me suis penchée sur les réflexions économiques pour l'énergie libéralisée. Par la suite, je me suis occupée de stratégie, de construction de scénarios et d’analyses pour valoriser différents investissements (combustible, CO2…). Après cela, je suis passé à quelque chose de plus opérationnel dans le département trading et gestion de portefeuille, où j’ai occupé différents postes allant de la gestion de nos actifs en Europe du Sud et de l’Est (avec beaucoup de voyages…) à la direction des équipes de « quants » et d’analystes de marché. Et depuis 2017, toujours dans le même département, je m’occupe de la prospection de nouveaux business et du lien avec les startups.
Comment es-tu devenue business angel ?
Quand j’ai commencé à travailler dans l’innovation chez Engie, on aidait principalement dans un premier temps les équipes qui développaient des choses en interne. Mais petit à petit, je trouvais qu’il était nécessaire de s’inspirer de ce qui se passait ailleurs pour innover et nous avons décidé de nous ouvrir et de regarder ce qui se passait autour de nous, en externe. J’en ai parlé à mes collègues et leur ai demandé comment faire et l’un d’eux m’a parlé de BeAngels.
De ce fait là, j’ai pris connaissance de la formation de la BeAngels Academy et des groupes d’investissement Business Angel Club (BAC), auxquelles je me suis inscrite au début… pour mon travail ! Car pour travailler avec des startups, il faut avant tout les comprendre. Je me suis dit que la manière la plus facile d’apprendre était de « mettre les mains dans le cambouis » et d’apprendre en s’exposant soi-même directement. Et dès le début, j’ai directement accroché. En accompagnement des entrepreneurs de la sorte, on apprend énormément et du coup, c’est très vivifiant, et c’est devenu une activité personnelle.
Qu’est-ce qui t'a attirée dans l’activité de business angel ?
J’ai toujours sauté dans des eaux inconnues, dans des équipes qui se créent, dans des sociétés en démarrage. J’aime le côté “set-up”, me lancer dans de nouvelles activités. Et puis, j’ai ma curiosité intellectuelle, j’adore découvrir. Quand j’assiste aux pitches des startups, je me dis souvent : “Quelle bonne idée, je n’aurais jamais pensé à faire ça”. Cela me donne confiance en l’avenir, et ça met un peu de rose dans la grisaille ambiante !
Quels sont tes critères pour sélectionner un projet ?
Je dois avoir un coup de cœur, être séduite par l’idée qui est présentée par l’entrepreneur.e. J’accorde également une très grande importance à l’innovation et la qualité de l’équipe : je sais qu’elle va contribuer à la réussite du projet. Comme notre collaboration va durer plusieurs années, il faut aussi qu’il y ait un “match” et que je sente que la personne a envie d’être aidée, de collaborer. Avec notre groupe d’investisseurs, nous visons surtout des investissements « actifs » : il faut s'imaginer soi-même ou un membre du groupe siéger potentiellement au Conseil d’Administration de cette boîte et sentir si l’on va être écouté. Sinon, il y a peu d’intérêt à accompagner un.e entrepreneur.e.
Pour le moment je réalise surtout des due diligence (analyses pré-investissement), sans être très activement impliquée dans le suivi par après. Et comme je suis dans un groupe aux côtés de plusieurs investisseurs, on se relaie, car nous sommes plusieurs à pouvoir le faire.
Mais je dois tout de même mentionner que j’ai une fibre développement durable assez importante et j’ai donc investi en solo sur des projets dans le domaine de l’économie circulaire en dehors du réseau. Un projet qui sera innovant et qui a de l’impact, augmentera sensiblement ses chances de m’intéresser. Sans oublier le critère de la rentabilité : il faut quand même croire au business plan qui est présenté.
Je n’ai pas vraiment de domaine d’investissement privilégié, cela peut aller d’innovation en bio-médical, de solutions digitales, …. Au final, le seul critère que j’ai est plutôt un critère d’exclusion c’est si je le projet n’est pas en accord avec mes valeurs (domaine militaire par exemple) alors je n’y vais pas.
Estimes-tu que ton expérience acquise chez Engie est un atout pour réaliser tes investissements dans les startups ?
Totalement ! Le fait d’avoir eu l'habitude de valoriser les choses, de réaliser différents scénarios et de travailler dans le secteur de l’énergie qui est un secteur en pleine ébullition, ça aide.
J’aime beaucoup découvrir des équipes d’entrepreneurs, les entendre pitcher. Ils apportent le côté innovant, ils ne sont pas formatés par des grosses boîtes. Il faut toutefois trouver un juste milieu entre la fraîcheur de la nouveauté et un certain pragmatisme pour grandir. Ce dernier vient entre autres grâce au recul et à l’expérience de travailler dans une grande entreprise.
« J’aime beaucoup découvrir des équipes d’entrepreneurs, les entendre pitcher. Ils apportent le côté innovant, ils ne sont pas formatés par des grosses boîtes. »Cécile Cordier - Business angel
Le fait d’investir dans des startups t’apporte-t-il quelque chose sur le plan personnel ?
Cela me stimule intellectuellement, mais pas seulement ! C’est aussi une ouverture d’esprit qui me permet de référencer des startups chez Engie ou auprès de mon entourage. Il n’est pas rare que j’entende mon entourage me parler de problème et je leur demande s’ils connaissent telle ou telle startup. Ça permet de tisser des liens tant du côté professionnel que privé.
Tu es présente dans plusieurs groupes d’investissements. Peux-tu nous dire quels sont les éléments qui te plaisent à cette dynamique de groupe ?
C'est très instructif d’être à plusieurs pour réaliser un investissement. Certaines personnes ont des approches plus commerciales, d’autres marketing… ou certaines personnes ont la casquette d’indépendant et ont donc d’autres réflexes. Et avoir des vues croisées sur un projet c’est très enrichissant, tant pour moi que pour les entrepreneurs eux-mêmes !
Dans les formules de groupe, on investit collégialement. En général c’est une personne du groupe qui est désignée pour montrer au board et représenter le groupe dans le pilotage stratégique de l’entreprise par la suite. Cette même personne peut faire appel aux autres membres du groupe et solliciter leur aide lorsque la startup en a besoin. Et grâce à cela, j’apprends beaucoup des autres.
L’aspect “groupe” a également un côté rassurant. Si je me lance dans une due diligence, je peux toujours demander l’avis du groupe. Pour apprendre et démarrer en tant que business angel, c’est top.
« L’aspect “groupe” a également un côté rassurant. Si je me lance dans une due diligence, je peux toujours demander l’avis du groupe. Pour apprendre et démarrer en tant que business angel, c’est top. »Cécile Cordier - Businesss angel
"Être business angel ça prend du temps”. Es-tu d’accord avec cette affirmation ?
Oui, ça prend quand même un peu de temps. Je ne l’aurais pas fait il y a 10 ans avec 4 enfants en bas âge ! Mais maintenant ils sont plus grands... A nouveau, ce qui est pratique avec la formule de groupe, c’est qu’on répartit ce temps. Certains ont parfois plus de disponibilités à certaines périodes, d’autres à d’autres : le fait d’être dans un groupe d’investissement permet donc de niveler la charge. Pour ma part, je ne pense pas y passer plus de 2 heures par semaine. Certains jouent au tennis ou au golf… moi comme hobby, je m'occupe de startups!
Les femmes business angel sont toujours sous-représentées, y compris chez BeAngels. Qu’est-ce pourrais-tu dire à quelqu’un qui hésiterait à franchir le pas ?
Personnellement, je ne me suis jamais posé de question sur le fait d’être une femme business angel. Je me suis plutôt demandé combien de temps ça allait me prendre : j'avais estimé quatre jours de formation et deux à trois heures par semaine. Ce qui est bien le cas !
Pour celles (et ceux) qui auraient un manque de confiance, il faut se dire que personne n’est formé à être business angel. Tout investisseur démarre de zéro, on n’apprend pas ça sur les bancs de l’école. Et le fait que BeAngels organise des formations et des groupes d’investissements pour apprendre tout en investissant, ça aide considérablement pour monter en confiance. Tout le monde à quelque chose à apporter : moi par exemple je peux aider pour la compréhension du monde corporate, le côté quantitatif… un.e RH va apporter ses compétences en recrutement, d’autres sur le côté marketing etc. Il faut bien se dire que tout est utile dans une startup !
« Pour celles (et ceux) qui auraient un manque de confiance, il faut se dire que personne n’est formé à être business angel. Tout investisseur démarre de zéro, on n’apprend pas ça sur les bancs de l’école. »Cécile Cordier - Business angel