BeAngels met en avant tous les mois, un membre entrepreneur devenu business angel. Le deuxième de cette série de portraits est Benjamin Tillier, CEO d’Acar’Up Consumer Health. La société développe et commercialise une gamme de solutions de diagnostic, de prévention et de traitement de l’allergie aux acariens. Benjamin a accepté de nous raconter ses débuts entrepreneuriaux et pourquoi il est devenu membre de BeAngels.
Qu’est-ce qui t’a poussé vers l’entrepreneuriat ?
J’ai toujours eu envie de faire ça ! J’ai toujours rêvé d’être mon propre patron.Au départ, mon parcours est assez classique : j’ai suivi des études d’ingénieur civil spécialisé en informatique. Non pas que j’étais un passionné d’informatique, loin de là. Mais je ne savais pas quoi faire d’autre. Et il se trouve qu’avant même de terminer ma dernière année d’université, j’ai été harponné par les grandes sociétés de conseil. C’était valorisant, en tant qu’étudiant, de recevoir déjà en février plusieurs offres d’emploi intéressantes alors que je ne décrocherais mon diplôme qu’en juin. Je suis donc tombé de cette façon dans l’engrenage des multinationales de la consultance. Difficile de résister, évidemment.
Ensuite, lorsqu’on est pris dedans, les années passent à grande vitesse. Et plus le temps passe, plus on évolue et plus la situation devient confortable. Je me sentais un peu piégé dans ce système: bon salaire, beaux avantages, titres pompeux et responsabilités importantes. D’autant plus en tant que jeune papa. Mais un jour, l’occasion de m’envoler s’est présentée. Malgré tout cela, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai dit “banco”.
Attention, ne me comprenez pas mal. J’ai passé d’excellentes années dans la consultance, avec des collègues géniaux, et j’ai énormément appris. Et il n’est pas dit que je n’y retournerai pas un jour, d’ailleurs. Mais à ce moment-là, je sentais qu’il était temps pour moi de vivre autre chose.
Peux-tu nous en dire plus sur cette première aventure entrepreneuriale ?
J’ai d’abord rejoint, en tant que consultant indépendant, un ami de mon frère qui avait une PME en pleine croissance dans le domaine paramédical. Outre mes compétences informatiques qui l’ont convaincues au départ, c’est finalement ma compréhension du fonctionnement des grandes entreprises acquise dans la consultance qui lui a le plus servi. Je suis resté 4 ans à ses côtés, à restructurer en profondeur sa société pour la rendre plus efficace et rentable, et aussi plus scalable. Je voyageais continuellement entre l’Allemagne, la Flandre et les Pays-Bas, où se trouvaient les principales entités de la société.
Je suis ensuite monté d’un cran sur l’échelle de l'entrepreneuriat, en quittant ma précédente position pour créer ma propre société dans le selfcare. Il s’agissait d’une société de distribution de solutions et de produits de santé au Luxembourg, mon pays de résidence. Je suis resté 6 ans aux manettes de cette entreprise, que j’ai construite de toutes pièces. Je faisais quasi tout moi-même au départ. Et au fil des années, je me suis progressivement entouré de toute une équipe. J’ai passé des années mémorables, faites de hauts et de bas, de moments d’euphories et de méga stress, extrêmement instructives et intenses. Je n’ai jamais fait appel à un financement extérieur. Avec le recul, c’était d’ailleurs une erreur. À refaire, j’aurais fait appel à des business angels si j’avais su ce que c’était à l’époque !
Finalement, en essayant d’élargir la gamme de produits distribués par mon entreprise, je suis entré en contact avec la société bruxelloise Acar’Up qui développe et commercialise des produits dans le domaine de l’allergie. Même si mon interlocuteur chez Acar’Up et moi nous sommes très bien entendus, notre discussion n’a pas abouti à une collaboration entre nos sociétés. Nos business modèles étaient trop différents. Mais six mois plus tard, alors que je ne m’y attendais absolument pas, voilà qu’il m’a rappelé pour me faire savoir qu’Acar’Up cherchait un nouveau CEO et qu’il avait pensé à moi.
Par curiosité, j’ai été rencontrer le conseil d’administration d’Acar’Up à Bruxelles. Le courant est bien passé, et quelques jours plus tard, après avoir pesé les pour et les contre, j’ai accepté leur offre. Je savais qu’en faisant cela, j’allais devoir laisser derrière moi ma propre entreprise, à contrecœur. Mais j’étais heureux de pouvoir me challenger sur un nouveau projet, d’autant plus que j’allais être entouré par un Conseil d’Administration et des fonds d’investissement publics et privés, ce qui était une première pour moi. Cela fait donc plusieurs années maintenant que je suis le CEO de cette startup pharmaceutique, et également le président de son Conseil d’Administration.
« Je n’ai jamais fait appel à un financement extérieur. Avec le recul, c’était d’ailleurs une erreur. À refaire, j’aurais fait appel à des business angels si j’avais su ce que c’était à l’époque ! »Benjamin Tillier
Comment es-tu devenu business angel ?
Au cours de mes nombreux échanges avec des investisseurs dans le cadre du développement d’Acar’Up, j’ai eu envie de passer de l’autre côté de la barrière en devenant à mon tour investisseur. Ils m’ont alors parlé de BeAngels, et j’ai fini par rejoindre un groupe d’investissement (BAC). Le concept m’a directement séduit : j’ai rencontré des gens très intéressants tout en m’initiant à l'investissement dans les startups.
Au-delà du placement financier et du rendement potentiel que l’on espère en tirer, je trouve que l’activité de business angel est extrêmement enrichissante sur le plan humain. Lorsqu’on a accumulé quelques expériences professionnelles dans sa vie, comme ça commence à être mon cas, c’est très stimulant et valorisant de partager ses connaissances avec des entrepreneurs qui lancent une startup. C'est aussi l’occasion de découvrir les dernières innovations et pépites de demain.
« Au-delà du placement financier et du rendement potentiel que l’on espère en tirer, je trouve que l’activité de business angel est extrêmement enrichissante sur le plan humain. »Benjamin Tillier
Que retiens-tu de ton expérience avec ce petit groupe d’investisseurs ?
J’ai particulièrement apprécié la diversité au sein de notre groupe (BAC) : les membres venaient d’horizons complètement différents, avaient des âges différents et des patrimoines de niveaux différents. Nous avions par exemple un chirurgien dans le groupe. Sans lui, nous n’aurions jamais investi dans un projet médical. Et c’est génial, car il a pu faire bénéficier de son expertise et son savoir aux autres membres du groupe.
Très souvent, une ou deux personnes du groupe prennent les devants dans les analyses de projet. C’est souvent ceux qui ont le plus de connaissances sur le sujet du projet présenté. Et cela crée beaucoup de débats, puisque les décisions d’investissements sont prises de manière collégiale. Petit à petit, on apprend à connaître chaque membre du groupe et certains deviennent même des amis. C’est une vraie aventure humaine !
T’es-tu fixé des objectifs à atteindre en tant que business angel ?
Non, je me laisse porter par l’aventure. Je ne me suis fixé aucun objectif de rentabilité. Je préfère me dire que cet argent peut être totalement perdu, même s' il ne le sera jamais sur le plan humain. Ce sera le prix de l’expérience. Cependant je dis cela car j’estime que je suis encore en phase d’apprentissage. J'investi uniquement de petits tickets pour le moment.
Quel est l’intérêt d’avoir à ses côtés un business angel qui a une expérience entrepreneuriale ?
En assistant aux pitchs des entrepreneurs, j’ai compris que pour une série de startups, grâce à mon expérience entrepreneuriale j’arrive à m’identifier au projet au point de visualiser comment je mènerais concrètement le business si j’étais à leur place. Du coup, si je pense que je pourrais arriver à faire décoller la startup moi-même, alors je suis très tenté d’investir et de m’investir dedans. Et dans ce cas je crois que mes conseils pourraient avoir une vraie valeur ajoutée.
Il m’arrive aussi parfois de croire dans la solution développée par la startup, mais pas dans son business model. Selon mon expérience personnelle, il y aurait plus de chances de réussir en approchant le marché autrement (go to market strategy). Je me souviens d’ailleurs d’avoir eu une longue discussion de ce type un jour avec un entrepreneur après un pitch. Et j’ai vu qu’il en a tenu compte par après. C’est évidemment très enrichissant pour les porteurs de projets de se faire challenger leurs idées par des business angels. Il est assez fréquent de leur ouvrir les yeux sur de nouvelles perspectives d’évolution pour leur startup, ce qui valorisant pour nous.
Quoi qu’il en soit, le fait d’avoir diversifié mes expériences et d’avoir mis moi-même les mains dans le cambouis, et d’avoir connu des échecs aussi, m’amène à penser différemment que ceux qui n’ont jamais monté une entreprise de leurs mains, ou qui ont toujours travaillé dans des multinationales par exemple.
« Si je pense que je pourrais arriver à faire décoller la startup moi-même, alors je suis très tenté d’investir et de m’investir dedans. »Benjamin Tillier
Tu es devenu membre de BeAngels mais pas seulement : tu es devenu Chapter Lead de BeAngels Luxembourg. Peux-tu nous en dire plus ?
Voilà à nouveau un projet que je n’avais absolument pas prémédité ! Les discussions ont commencées lorsque j’ai un jour mentionné à Claire Munck, CEO de BeAngels, que j’adorais mon expérience avec le réseau mais que les distances étaient vraiment longues pour moi. Etant donné que la majorité des événements de BeAngels sont organisés en région Bruxelloise et que j’habite au Luxembourg, j’avais toujours au minimum 200 km de route pour venir y assister, ce qui n’était pas toujours compatible avec mon agenda. C’est alors que Claire m’a proposé de transformer ce problème en une opportunité en aidant BeAngels à monter une antenne au Luxembourg.
Après une courte réflexion, j’ai accepté de mener ce projet et d’endosser la casquette de BeAngels Luxembourg Chapter Lead, à côté de mes autres activités. Les premiers contacts que j’ai pris ont été très positifs, et ensuite les choses se sont enchaînées rapidement. Moins de 3 mois après son ouverture, l’antenne luxembourgeoise de BeAngels comptait déjà plusieurs dizaines de nouveaux membres, organisait ses propres événements mensuels, avait lancé son premier BAC et organisé son premier cycle BeAngels Academy au Grand-Duché. Elle continue à bien se déployer aujourd’hui, accueillant chaque semaine de nouveaux membres, tout en s’intégrant progressivement dans l’écosystème luxembourgeois des startups grâce aux multiples contacts pris avec les acteurs publics et privés du secteur.
Pour ma part, je suis très heureux de m’être lancé dans cette aventure qui m’amène à rencontrer beaucoup de gens intéressants au Luxembourg, et qui me permet d’assister aux pitchs de BeAngels dans une ambiance conviviale à seulement quelques minutes de chez moi.