700K€. C'est le montant que Noelly Michoux a réussi à lever pour la première levée de fonds de 4.5.6. La marque
4.5.6 Skin, c’est quoi ?
C’est la première marque de skincare qui met réellement la science au service des peaux mélaniques, c’est-à-dire des peaux où l’on relève la présence de pigment brun ou noir. Ces types de peaux correspondent aux peaux de phototypes IV,V à VI, d’où le nom de la marque !
Pour vous aider à mieux comprendre, il faut savoir que les humains sont classifiés en six phototypes. Les phototypes I, II et III correspondent aux peaux blanches, qui n’ont pas beaucoup de mélanine (pigment brun foncé) et les phototypes IV,V, VI correspondent aux peaux mélaniques. Ce sont des peaux qui ont de fait, plus de mélanine, mais qui ont également des principes dermatologiques différents tels qu’une peau plus épaisse, une barrière hydrolipidique qui se trouve dérégulée dans les climats froids, ce qui impacte la capacité de la peau à retenir de l’eau entre autres et la rend plus sensible. Les mélanocytes (cellules qui produisent la mélanine) sont plus robustes d'où une prédisposition à l'hyperpigmentation. Les besoins en soins de la peau doivent être adaptés, cependant à ce jour, ces différences physiologiques ne sont absolument pas prises en compte par l’industrie cosmétique. Résultat : les conditions telles que l'hyper sécheresse de la peau, l'hyperpigmentation, l'hyperséborrhée (l'excès de sébum) la desquamation de la peau, la peau terne qui se manifestent de manière différente sur ces peaux ne sont pas correctement adressées.
La marque 4.5.6 analyse les différences structurelles et fonctionnelles des peaux mélaniques et crée des principes de formulations qui sont calibrées pour ces phototypes de peau. De plus, nous offrons à nos clients une personnalisation de leurs formules en nous basant sur le phototype de peau, le type de peau, les besoins individuels et en prenant en compte l’impact du style de vie et du climat sur la peau. Comme nous avons une cible très diverse, de l’afro descendant aux personnes d’Asie du Sud-est, d’Amérique latine au Moyen-Orient, le ”one size fits all'' ne peut pas fonctionner. C’est la raison pour laquelle nous avons des milliers de combinaisons de formules pour offrir des produits aussi uniques que les besoins de chaque personne. C’est la première marque de skincare à avoir cette approche-là ! Et pour aider le client dans l'établissement de sa routine, nous offrons des consultations en ligne pour identifier au mieux leurs besoins.
Comment as-tu eu l’idée de créer ces produits ? D’où es-tu partie ?
C’est un parfait concours de circonstances ! Rien ne me prédisait à cette voie et je dirais plus que c’est une combinaison de frustration personnelle due à un manque d'inclusivité que j’ai pu constater à une échelle globale mais aussi l’envie de m'investir dans quelque chose qui m’apporterait plus qu’un salaire mais aussi un réel sentiment d’accomplissement et de service à l'autre.
J’ai grandi en Basse-Normandie en France, dans un tout petit village où il n’y avait pas beaucoup de diversité. Donc cela était impossible de trouver des produits ne serait-ce que pour s’hydrater correctement la peau ou les cheveux, et ce surtout pendant l’hiver. J’ai cependant toujours trouvé normal que l’offre locale ne s’adressait pas à moi car la grande majorité de la population était blanche. Lorsque j’ai déménagé à Paris pour mes études supérieures, je me suis dit que j’aurais plus de choix étant donné la taille de la ville, mais à ma grande déception pas du tout ! Et souvent le seul endroit où je pouvais trouver des produits dits “ ethniques” était dans les quartiers communautaires ou les produits et l'expérience d’achat ne sont pas désirables. J’ai dépensé des fortunes chez Sephora ou d’autres marques pour des produits qui étaient certes très beaux, mais qui au mieux ne me satisfaisaient pas et qui au pire aggravaient l'état de ma peau très sèche, sensible et sujette à l''hyperpigmentation. Je suis allée poursuivre mes études à Londres, et le constant fut le même!
Puis en 2013, j’ai suivi mon mari aux USA et j’ai trouvé un nouveau job. Par un concours de circonstances, j’ai intégré une agence d’e-commerce spécialisée dans la commercialisation de produits de luxe français, make up, skin care et parfums. C’est là que j’ai récupéré un portefeuille de marques dont Black|Up cosmetics. Et c’est grâce à cette marque que j’ai compris que mes frustrations n’étaient pas que les miennes, C’est d’ailleurs en etant au contact de femmes de couleur travaillant pour divers magazines, des make-up artists, des influenceuses et surtout de mes clientes black|Up que je me suis rendu compte que nous étions toutes face au même constat : il n’existe pas de produits adaptés aux peaux mélaniques. C'était un vrai problème global que l’on retrouve pour toutes les peaux mélaniques et pas uniquement pour les peaux noires ! L’envie de lancer ce projet m’est venue à partir de ce constat.
Après deux grossesses, et un retour en Europe, je ne souhaitais plus retourner travailler en agence. Je voulais à tout prix lancer ce projet, même si je n’avais pas le background pour (R&D, développement de produit). En analysant le marché, je voyais l'énorme décalage entre la consommation en produits de beauté des femmes à peaux mélaniques ( qui consomment jusqu'à 9 fois plus sur certains segments beauté) et le nombre de marques de qualité qui leur étaient dédiées. Cela m’a confortée dans l’idée qu’il y avait un énorme besoin sur le marché qui n’était pas répondu, et qu’il y avait de la place pour une marque différente, qui mettrait l‘accent sur la physiologie de la peau et non sa couleur et pourrait adresser cette cible de manière authentique.
Existe-t-il aujourd’hui sur le marché des produits pour peaux pour mélaniques ? Pourquoi les produits des grands groupes ne fonctionnent-ils pas ?
Historiquement, les grandes marques et autres conglomérats cosmétiques n’ont jamais inclus les peaux mélaniques dans leur R&D Et il n’y a pas si longtemps, les femmes à peaux mélaniques n'étaient que très rarement incluses dans les campagnes Marketing.
Ces dernières années les marques commencent petit à petit à comprendre l'intérêt financier de l’inclusivité. Et l'avènement des réseaux sociaux a aussi permis une prise de parole facilitée de cette cible et la mise en lumière du manque d'inclusivité. Résultat : on voit effectivement plus de femmes à peaux mates, noires et métissées dans les campagnes marketing ou elles sont ciblées pour leur capacité de consommation. Mais leurs besoins spécifiques restent exclus du processus de R&D et des tests d'efficacité ! On va sélectionner une égérie asiatique, noire ou métisse pour dire : « C’est aussi pour vous ! ». L’industrie a certes fait énormément de progrès au niveau de leur représentation, mais quand on regarde la genèse des produits, ils sont toujours créés, fabriqués et testés pour les phototypes I, II , III qui sont les peaux caucasiennes donc les besoin sont concentrés autour des soins anti-âge.
Tu viens de lever 700K€, dont 500K€ auprès de nos membres. C’est la plus grosse levée de fonds réalisée en 2019 chez BeAngels ! Quel est ton ressenti ?
Tout d’abord, j’ai mis beaucoup de temps à réaliser ! Quand je suis arrivée chez BeAngels, j’étais assez sceptique, car je savais que j’allais pitcher des investisseurs qui n’ont aucune connexion émotionnelle avec ma cible, à savoir : les femmes à peaux mélaniques. À ma grande surprise, j’ai été sélectionnée à l’issue du Comité de Sélection. Le jour du Forum, je suis arrivée devant un groupe d’hommes majoritairement blancs, et je me suis dit « ce n’est pas possible, ils ne vont jamais se sentir concernés » (rires). En plus de ça, tous les autres projets étaient des projets medtech, agritech et moi je me suis dit que j’étais la petite nana qui arrivait avec son projet de soins de la peau pour femmes mélaniques et qui devait expliquer tout cela à des hommes. Quand je suis montée sur scène je me suis dit : « Fais-le comme si tu t’entraînais à pitcher. Donnes tout et tu verras bien ».
Le lendemain, quand on m’a appelé pour m’informer que mon projet avait récolté de nombreuses marques d’intérêt, je n’en revenais pas ! À l’issue de la première réunion de dealmaking, je savais que je sécurisais mes 300k€ recherchés, qui se sont finalement transformés en 500k€.
Jusqu’au dernier moment, j’ai cru que quelqu’un allait m’appeler pour me dire que c’était une blague. J’étais très fière d’avoir convaincu ces business angels car ce n’était pas la cible d’investisseurs la plus naturelle. Et ça m’a permis d’avoir un effet de levier, car une fois l’investissement des membres BeAngels sécurisé, j’ai pu convaincre également Thibaut Elzière (Efounders, ex-Fotolia) d’investir ainsi que d’autres personnes de mon entourage qui sont business angels et surtout, mon mari ! (rires).
Peux-tu nous dire ce que tes business angels t’apportent ?
L'ensemble des membres BeAngels qui ont investi sont représentés par trois business angels. Ils font partie de mon comité de surveillance, suivent et s'intéressent au projet de très près et l’enrichissent grâce à leurs contacts, leurs expériences… C’est toujours intéressant et réconfortant d’avoir le recul et la sagesse de personnes qui ont eu de grandes carrières dans l’industrie ou qui ont été entrepreneurs.
Qu’attends-tu d’eux ?
On a vraiment envie qu’ils soutiennent le projet, qu’ils l’enrichissent de leur propre expérience, qu’ils donnent leur avis sur des décisions importantes… Et on espère aussi obtenir leur soutien dans les bons comme les moments difficiles.
Comment le Covid affecte-t-il la société ?
Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les ventes. Mais le Covid nous a affecté avant le lancement du projet : la construction du laboratoire a été arrêtée net en mars, nous avons rencontré des problèmes avec des livraisons de machines, le fournisseur italien de nos emballages a dû fermer son usine suite au Covid… Nous avons dû faire face à pas mal de difficultés, mais cela nous a permis de repenser certains aspects de notre concept et de le renforcer. Au lieu d’un lancement prévu en Juin 2020 nous avons lancé fin septembre 2020.
Où peut-on trouver les produits 4.5.6 ?
Aujourd’hui nous concentrons nos efforts marketing (relations publiques, ads, influenceurs) au Royaume-Uni et précisément à Londres, car c’est la ville Européennes où l’on trouve le plus de phototypes IV,V,VI, lle taux de pénétration du e-commerce est le plus élevé d’Europe et on voulait également avoir un positionnement à l'international dès le début. Mais à date, nous livrons dans toute l’Europe, les USA en Australie et dans certains pays Asiatiques.
Quels sont désormais tes objectifs pour 456 ? Plus globalement, comment vois-tu ton avenir à 5 ou 10 ans ?
C’est très difficile de projeter à 5 ou 10 ans avec la conjoncture actuelle. Dans un premier temps, l’objectif est de valider le « proof of concept », de prouver qu’il y a une vraie traction autour de la marque et c’est ce que nous sommes en train de faire aux UK. Les États-Unis sont évidemment un marché important pour nous et notre ambition est d’y lancer la marque d’ici 2 ans ! Il y a différentes pistes de développements possibles pour 4.5.6, mais dans le futur proche nous allons nous concentrer sur la construction de la marque et l’expansion de la gamme de soins du visage et des soins solaires notamment.
Selon toi, est-ce qu’il est plus difficile d’être une entrepreneure qu’un entrepreneur ?
C’est difficile à dire, car chaque entrepreneure vit la chose différemment ! Si les mentalités globales tendent à évoluer, il existe encore des freins à l’entrepreneuriat féminin. Des fois ce sont des freins que l’on s’impose soi-même, si je parle pour mon cas personnel. C’était de l’autocensure, je me disais : « Tu n’as jamais fait ça, mais qu’est-ce que tu crois, personne ne t’attend… ». J’avais un manque de confiance en moi terrible. Mais il y avait aussi un manque de modèle de femme pour donner cette envie, et encore plus dans mon cas de femmes noires entrepeneures !
Quand on arrive à dépasser ces freins, il faut arriver à conjuguer avec le fait que l’entrepreneuriat est un monde historiquement masculin et qu’il faut se battre davantage pour exister en tant que femme et surtout et lever de l’argent. Il faut savoir que les projets portés par des femmes ont 30% moins de chance de se faire financer par des VC , et que les montants qui sont levés par des femmes sont deux fois et demie moins élevés que ceux levés par les hommes. C’est donc un vrai challenge d’être entrepreneure et surtout de le faire quand on est une femme qui a des enfants. Quand on a de grandes ambitions, on peut être questionné sur la capacité à les tenir… mais ce n’est pas insurmontable, j’en suis la preuve !
Mais les choses évoluent, il y a de plus en plus de femmes investisseurs, j’en ai deux dans mon groupe d'investisseurs et c’est un bon debut!. J’espère que c’est une tendance qui va se pérenniser dans les années à venir et qu’on verra d’une part plus de VC femmes, mais aussi plus de projets portés par des femmes réaliser des série A, B et plus ..
Quels conseils donnerais-tu aux femmes qui souhaitent se lancer et réussir dans l’entrepreneuriat ?
Je dirais qu’il ne faut pas chercher la preuve qu’on peut le faire en regardant son passé ou son expérience mais plus regarder les qualités qu’on possède et voir comment on peut les leverager pour mener à bien son projet.
Il faut structurer son projet et oser se lancer! Il ne faut surtout pas avoir peur du rejet Cela fait partie de la vie ! Ou peur de sentir illégitime ou peur d’assumer ses ambitions! Car la pire chose qui puisse arriver est qu’on vous dise Non! Mais recevoir un non est bien mieux que vivre avec le regret de ne pas avoir essayé!
Quels ont été les éléments décisifs dans ta réussite ?
Déjà, je considère que je suis encore sur la voie de la réussite professionnelle. Je ne saurais pas dire s' il y eu des éléments décisifs mais plutôt une attitude qui a favorisée mon évolution et c’est ma capacité d’adaptation.
J’ai toujours eu cette capacité à observer mon environnement afin de comprendre les règles du jeu et de participer au meilleur de mes capacités.
Je suis au Cameroun et j’ai grandi en France et ma capacité à m’adapter au modèle de vie Français m’a aidé à comprendre que c'était possible et de surmonter mes circonstances défavorables.
J’ai changé plusieurs de villes, de pays, de carrière et cette capacité d’adaptation m’a permis d'appréhender de nouveaux environnements et de transformer des obstacles de vie en opportunités. Même le fait d’être aujourd’hui entrepreneur, est une succession de circonstances de la vie que j’ai su transformer en quelque chose de génial et qui est aujourd’hui le projet de ma vie.
J’ai trouvé ma voie, je me sens légitime et je sens que je peux apporter quelque chose à moi-même, à ma famille et à ma communauté proche ainsi qu'à la communauté mélanique à travers le monde. Si je n’avais pas eu cette capacité à être hyper résiliente et à m’adapter à toutes les situations, mes circonstances défavorables auraient sûrement dictées le cours de ma vie.
Quand as-tu compris que tu étais une entrepreneure ?
Entre le moment où j’ai décidé de lancer le projet et le moment où ça s’est concrétisé, il y a eu une année de doute. Je n’étais pas vraiment entrepreneure, mais je travaillais déjà à structurer mon projet, à la recherche de partenaire. J’écoutais énormément de podcast d’entrepreneur.e.s, dont un que j’adore « How I Built This » de Guy Raz de NPR news. Il explique dans un des épisodes qu’avant d’avoir levé des fonds, tu n’es pas entrepenreur.e ! J’avais complètement inculqué ça, sauf qu’aujourd’hui avec le recul je me dis que ce n’est pas forcément vrai. Car même avant le financement, la création de son équipe et la visibilité, être entrepreneure c’est avant tout avoir cette capacité de détecter un domaine qui est améliorable et de prendre les choses en main pour améliorer ce domaine. https://456skin.com/